Comment créer du désir avec la danse ?

« Tout désir, même celui de parler, est un désir de vivre » Hubert Aquin.

Cette petite flamme qu’on appelle désir

C’est en allant partager la danse avec les enfants défavorisés des quartiers de Rio que j’ai pris conscience du véritable pouvoir du désir. C’était en 2012, je m’étais mise en tête de partir seule au Brésil pour danser avec les enfants et tester en quoi la danse pouvait créer un lien social fort. J’ai très vite constaté que créer l’envie chez quelqu’un était d’une puissance que je n’avais pas soupçonnée. Replongeons-nous dans le contexte : j’intervenais dans un orphelinat niché dans un quartier pauvre au nord de Rio. Les enfants âgés de 6 à 15 ans ne connaissaient rien du monde mais assez de la dureté de la vie, même si cela n’était pas visible au premier abord, tant ils étaient joyeux et souriants. J’avais appris quelques mots de portugais pour me faire comprendre mais pas assez pour être totalement opérationnelle. Heureusement la gestuelle fonctionnait très bien. J’ai expliqué aux enfants mon programme d’échauffement, d’exercices, je leur ai fait écouter mes musiques, nous avons pris des photos ensemble, nous avons joué, c’était comme une petite récréation. Et puis, je leur ai demandé d’appliquer sérieusement mes consignes, de me suivre, de ne pas chahuter et je leur ai promis une chorégraphie sur Mickael Jackson ; là j’avais marqué un point ! Certains moments m’ont demandé beaucoup d’énergie pour tempérer leurs humeurs, pour les encourager et les pousser à aller jusqu’au bout. Victimes de carences sociales, ces enfants ne savaient pas gérer leurs émotions. J’ai dû trouver des parades et toutes n’ont pas forcément abouti. Mais au fur et à mesure que j’apprenais à les connaître, je me suis aperçue que j’attisais un désir en eux, que je réveillais leur envie de réussir quelque chose. C’était comme rallumer une petite étincelle. Je parvenais à canaliser leur énergie, à monopoliser leur attention de telle sorte qu’ils prenaient un plaisir nouveau à réaliser quelque chose par eux-mêmes. Les frustrations du début s’envolaient pour ne laisser place qu’à l’enthousiasme et à l’envie de recommencer, de progresser et d’apprendre. J’avais créé du désir et j’en étais la première stupéfaite et tellement heureuse.

L’envie d’avoir envie

Le désir crée l’envie, et l’envie crée la passion, la faim, l’urgence, la détermination, l’exigence.

« Le talent c’est d’avoir envie de faire quelque chose, tout le reste n’est que de la sueur, du travail, de la discipline » disait Jacques Brel qui ne croyait pas au talent à proprement parler. Et s’il avait raison ? Qu’est-ce que le talent si ce n’est faire ce qui nous anime, et le faire du mieux possible avec nos propres dispositions et les moyens dont nous disposons ? Le désir et l’envie nous tracent le chemin pour nous réaliser. Ce sont des indicateurs puissants, un sixième sens, une intuition que nous devons écouter et suivre. Ce sont le moteur et le carburant intrinsèquement liés. Le désir nous montre le vrai job que nous devons faire : celui de nous réaliser et d’aller vers la meilleure version de nous-mêmes. C’est ça notre job. Et comme le désir donne des ailes, il ouvre le champ de tous les possibles.

Et pourtant, combien sommes-nous à tourner le dos à nos envies ? Et pourquoi ? Certes nous n’avons pas été éduqués à suivre notre cœur, mais plutôt à écouter notre mental. Observer les enfants interagir et évoluer dans une situation concrète est très instructif. Les enfants n’ont pas de filtre. Ils vivent l’instant présent, font ce qu’ils désirent et aiment jouer. Pourquoi ces orphelins de Rio ont-ils lâché prise et se sont-ils autorisés à croire en eux à un moment donné ? Qu’est-ce qui a fait la différence ? L’envie d’avoir envie. Ils ont accordé du crédit à cette petite flamme qui s’est remise à briller et ils l’ont attisée jusqu’à ce qu’elle devienne feu. Ils se sont donnés une chance d’essayer et donc d’y arriver. Ils m’ont donné une vraie leçon de vie, ils m’ont fait et se sont faits confiance en faisant ce que je leur avais demandé. Bien-sûr ce n’était pas parfait, mais ils sont passés à l’action, et ce, avec enthousiasme. Leur attitude a fait la différence. Ils n’ont pas agi par défaut, ils l’ont fait par choix parce que cela correspondait avec un vrai désir de réussir quelque chose, et en l’occurrence une chose aussi anodine que quelques pas de danse.

Renaître

La danse est pour moi le matériau par excellence favorisant un processus créatif. La danse m’a toujours permise d’être en mouvement dans ma vie et d’aborder certaines situations sous un angle différent. Toute créativité participe à une renaissance quelle qu’elle soit. Danser crée des émotions, nous rapproche de la zone de notre cœur ; n’oublions pas que le mouvement a été le premier mode d’expression de l’homme avant le langage. Danser c’est lâcher-prise, s’ouvrir à soi et aux autres, être généreux, ne pas compter, se dépasser, apprendre de l’échec et recommencer. La danse est plus que la danse, elle élève, ouvre, agrandit, étire, allonge, élargit pas seulement notre corps et nos muscles mais aussi notre âme, notre vision du monde, notre perception des choses. Certains danseurs disent même qu’elle contient quelque chose de mystique ou de spirituel, ce que je crois volontiers. Quand le corps et l’esprit sont en phase, le danseur passe dans un état « autre ». Une sorte d’absolu, de perfection qui n’a rien à voir avec la technique, un espace-temps où il se laisse Etre en toute conscience et en toute authenticité. Mais cela part d’un profond désir, d’une envie dévorante de s’autoriser à être qui l’on veut être.

Et vous, qui voulez-vous être ?

Pour lire mes articles sur mon expérience dansée avec les enfants de Rio :

https://www.toutpourlesfemmes.com/archive/rio-la-danseuse-et-les-orphelins-des-favelas

https://www.toutpourlesfemmes.com/archive/rio-cours-de-danse-dans-une-favela


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