CORP-ORATE ou la place du corps en entreprise

Quelle est la place du corps au travail ?

La crise sanitaire a eu pour effet l’accélération de mes projets autour du corps en milieu institutionnel. Les quelques idées qui germaient dans ma tête ont vu le jour plus vite que prévu. 1 an après, voici un petit retour sur quelques collaborations B2B et les réflexions qui en ont suivi.

 

Inciter au mouvement dans les entreprises

Loin d’être une idée révolutionnaire, nous savons tous que bouger est la seule solution pour lutter contre la sédentarité identifiée comme un problème de santé public. Selon l’OMS, elle figure parmi les 10 principales causes de mortalité en doublant le risque de maladies cardiovasculaires, de diabète, d’obésité, et en augmentant les risques de cancer du colon, d’hypertension artérielle, d’ostéoporose, de dépression et d’anxiété.

La crise sanitaire qui perdure depuis 1 an n’a évidemment rien arrangé. Confinement, télétravail, isolement, couvre-feu, lieux culturels et sportifs fermés, déplacements limités, ce que nous vivons est non seulement inédit mais déstabilisant à tous niveaux.

Premiers troubles majeurs ? Stress et anxiété dus à la perte de repères, à la peur de la maladie et de la précarité, à l’absence humaine, à la restriction des libertés et au manque de visibilité.

Aider les entreprises à repenser le corps comme une matière première noble et comme une véritable ressource m’a encouragée à proposer quelques exercices posturaux simples en direct avec les collaborateurs.

Les besoins identifiés au préalable ont défini divers axes de travail :

  • Définir une bonne posture
  • Soutenir la colonne vertébrale
  • Redonner de la mobilité articulaire
  • Décrisper les zones sensibles au stress
  • Développer la conscience et l’autonomie corporelle

Adapté en télétravail ou au bureau, ce travail musculaire calé sur une respiration consciente inscrit l’entreprise dans une démarche préventive et soucieuse du bien-être de ses équipes.

« Cela fait tellement de bien, on devrait le faire tous les jours ! » dixit les apprenants, qui ont également constaté un changement d’humeur et de niveau d’énergie immédiat. Leur enthousiasme à remercier spontanément et chaleureusement pour ces moments de reconnexion à eux-mêmes n’a fait que renforcer ma conviction que des solutions simples et adaptées sont à portée de toutes les structures.

Introduire une journée de travail intensif pour des top managers par un réveil musculaire s’est également révélé rentable en termes d’énergie, de disponibilité, et de productivité.

 

Isolement et confinement

Intégrer la notion de corps en entreprise c’est aussi comprendre la belle alchimie du corps. Pour répondre à cette problématique d’angoisse et de morosité ambiantes ressenties par les collaborateurs en situation d’isolement, nous avons abordé la question de l’énergie dans le cadre d’un atelier-conférence.

Identifier les leviers et les voleurs d’énergie, réaliser des autodiagnostics physiques et émotionnels en se posant des questions aussi simples que :  Comment je me sens ? Quelles sont mes sensations physiques ? Où est-ce que ça se passe dans mon corps ? Quelles pensées y sont associées ? De quoi ai-je besoin pour me sentir bien ?  Qu’est-ce que je ressens ? Quelle est l’émotion que j’éprouve ? Quelle est son intensité ? De quoi parle-elle ? Quel est le 1er mot qui me vient à l’esprit ? De quoi est-ce que je manque ?

Créer une routine matinale, s’organiser, poser des intentions, définir des objectifs afin de s’engager dans un processus de résultats, tout en laissant sa place aux pauses actives ou ressourçantes et en se dégageant des moments de plaisir et d’introspection, ont permis de mettre à distance l’aspect anxiogène de la situation.

Prendre du recul et rentabiliser l’instant présent s’est avéré être une manière de court-circuiter la rumination mentale constante, véritable vampire énergétique. En prenant conscience de ce que nous pouvons contrôler ou non, et en valorisant nos compétences acquises en période de crise, comme l’adaptabilité, la flexibilité, l’anticipation, l’organisation, la communication, la créativité, la résilience, nous concrétisons ce que le corps sait faire depuis des millénaires :  nous adapter, résister, préserver nos ressources et évoluer.

 

Du glamour dans les réseaux d’affaires féminins

Lorsque j’ai été sollicitée pour animer un atelier « dansé » au sein d’un réseau de femmes d’affaires, je me suis interrogée sur la notion de leadership, abordée sous tous les angles sauf celui du corps. L’idée était de les inviter à danser sur une chaise et d’explorer la sensualité de mouvements lents en musique.

L’exercice était déstabilisant pour ces femmes dirigeantes d’entreprises, avocates, écrivaines, managers, coachs, négociatrices. Bien qu’annoncée et attendue, la proposition était pour le moins surprenante, et l’inconfort était palpable pendant quelques minutes. Femmes de têtes, actrices de leurs carrières, je sentais que la relation au corps n’était pas si simple et qu’il ne leur manquait qu’un gant de velours métaphorique pour incarner leur leadership avec tout leur être.

En acceptant d’être guidées vers une gestuelle précise et assumée, elles ont intégré que la confiance en soi (base du leadership), n’est pas qu’une affaire de mental mais bel et bien d’harmonie tête/corps. En me faisant confiance, elles ont traversé le rideau rouge et enfilé leurs gants noirs pour se laisser la liberté de vivre leur histoire dansée et d’y croire.

Leurs mots-clés sur cette expérience ont été les suivants : « bulle« , « sérénité« , « partage« , « parenthèse« , « déconditionnement« , « vibration« , « liberté« , « assurance« , « chrysalide« .

 

Milieu associatif social et culturel

Dans le cadre d’une œuvre sociale initiée par un centre culturel et une compagnie de théâtre, nous avons délivré une prestation dansée à l’intention de personnes de cultures togolaise, malienne, marocaine, sri-lankaise, indienne, tibétaine, avant de poursuivre sur une séance de questions/réponses haute en couleurs ! Cette intervention dans le respect des règles sanitaires a permis d’apporter un moment de plaisir et de joie tant pour nous danseurs que pour l’auditoire. Cette conversation à cœurs ouverts a prolongé le débat sur le recours au corps comme moyen de libérer l’émotion et le ressenti, sujet universel et d’actualité à l’heure où rassemblements, contacts physiques et accès à l’art et la culture restent interdits.

La bonne humeur et l’enthousiasme n’en sont pas moins restés maîtres de ce moment privilégié que nous avons vécu comme une parenthèse enchantée.

 

Expression corporelle et art-thérapeutes

La reconnexion au corps et le besoin viscéral d’expression à travers le mouvement résonne également chez les art-thérapeutes. En recherche d’outils pour enrichir leurs accompagnements, ces professionnels souffrent du manque de formation sur le plan corporel. Traduire une pensée en gestes, explorer un espace réel ou imaginaire avec son corps, raconter une histoire par le mouvement, travailler l’amplitude d’un geste ou d’un déplacement, utiliser le corps comme un vecteur d’émotion et de créativité, c’est être acteur du monde. 

Stimuler l’imaginaire, déployer l’aptitude physique et émotionnelle, approcher l’écriture chorégraphique et accéder à des ressources pédagogiques sont autant de moyens apportant de la valeur ajoutée à leurs programmes.

Je n’avais pas envisagé de cibler cette catégorie professionnelle, mais elle est venue à moi spontanément. Accompagner les art-thérapeutes dans la création de leurs offres sur le plan corporel répond à un besoin essentiel de replacer la dimension humaine au cœur de leurs actions.

 

« À corps perdu »

Nous avons tendance dans notre culture occidentale à séparer la tête du corps, la pensée de la sensation, l’intellect de l’émotion. Nous accordons peu d’espace au ressenti dans le monde du travail car nous sommes appelés à produire, héritage de l’ère industrielle sans doute. Nous procédons en « pilote automatique », conditionnés par les attentes de l’extérieur et ce n’est pas notre faute.

Pourtant, le monde du travail a changé de visage. La révolution technologique a bouleversé nos modes de fonctionnement et notre rythme de travail. Nous avons « digéré » ces changements drastiques à notre manière, à notre mesure, et il est insensé d’imaginer que tout cela n’a aucun impact (positif ou négatif) sur l’individu. Nous sommes à une époque où nous devons continuellement nous former pour rester en phase avec les évolutions techniques, technologiques, structurelles, organisationnelles. Nous devons nous réinventer, nous redéfinir, trouver notre place, parfois changer de carrière. Nous sommes constamment en mouvement, nous savons que rien n’est forcément durable, et si cela peut être challengeant dans le sens positif, c’est aussi une source de stress non négligeable.

 

L’expérience par le corps est une connaissance

Le corps est un enseignant, il apporte de la connaissance. Il nous renseigne sur notre état de forme, de stress, d’énergie, de manque, d’épanouissement. Il envoie des signaux sur nos curseurs internes, signaux que nous ne savons pas toujours lire à force de loger le plus clair de notre temps dans notre tête.

Le corps est un régulateur qui nous inclut dans le monde, c’est-à-dire dans une réalité plus fiable que la projection mentale. Par exemple, faire le lien entre une douleur (petite ou grande, ponctuelle ou continue), ou bien une sensation (bonne ou mauvaise), et une situation antérieure (proche ou moins proche) nous replace dans le concret et renforce notre sens du discernement. Nous traversons le rideau de la conscience corporelle et apprenons à écouter nos messages internes de manière plus subtile.

L’information envoyée par le corps est toujours juste car elle n’est pas influencée ou « biaisée » par le mental ni par l’ego, ces « faux maîtres », pour reprendre l’expression de Lise Bourbeau dans son livre « Ecoute ton corps ».

 

Repenser le corps en entreprise comme une ressource

Intelligence corporelle, développement des fonctions cognitives, apprentissage des soft-skills, langage corporel, posture, leadership, intelligence relationnelle/collective, nous nous familiarisons de plus en plus avec ces tendances « corporate » et ce n’est pas innocent. Les constats sur le mal-être au travail, le burnout, la charge mentale, le manque de valorisation ont poussé les entreprises à se questionner sur la notion de l’humain au travail, sur les valeurs et la culture d’entreprise. La crise sanitaire a également remis en question le fonctionnement des structures quant à la santé physique et psychologique des équipes. Les neurosciences se sont penchées sur la question et portent aujourd’hui un regard plus éclairé sur les enjeux cognitifs au travail en concluant via leurs études que laisser une vraie place au corps en entreprise faciliterait le traitement des informations, la prise de décision et augmenterait l’efficacité, la productivité et l’enthousiasme.

Ces divers échanges, collaborations et retours d’expériences m’ont beaucoup interrogée sur la manière d’informer les entreprises sur le sujet car s’il est évident que le digital a sauvé une partie de l’économie pendant cette période de pandémie, je crois qu’il est essentiel de laisser une place d’honneur à l’humain et au vivant afin de participer à la reconstruction d’un monde plus ancré et plus juste.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

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